|
Quand Ebola rime avec Troïka !
Karel Vereycken
13 octobre 2014
Distribution géographique des foyers de fièvre hémorragique à virus Ebola et aire de répartition (en pointillé) des chauves-souris frugivores de la famille des Pteropodidae. En Afrique du Sud, il s’agit d’un cas "importé". Le virus Ebola a infecté au moins 8400 personnes et provoqué la mort de 4000 d’entre elles, d’après le dernier calcul de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce qui fait peur au stade actuel, c’est le caractère exponentiel de l’épidémie dans les pays fortement touchés : le Liberia, la Guinée et la Sierra Léone. Si le nombre de personnes contaminées à travers le monde continue à doubler tous les vingt jours, le nombre total de cas pourrait dépasser 20 000. Faute d’une vraie riposte organisée et à la hauteur du danger de la part des dirigeants occidentaux, un climat de panique prend le dessus. D’abord, rappelons la nature exacte du virus Ebola et son mode de transmission en citant Bruno Lima, professeur des universités, praticien hospitalier de virologie à Lyon :
Or, avec la confirmation hier, à Dallas (Texas), d’un deuxième cas d’Ebola contracté hors d’Afrique après celui de l’infirmière espagnole ayant soigné deux malades, les pays dits « riches » mais fragilisés par la crise économique et les coupes draconiennes dans les systèmes de santé découvrent qu’ils ne sont pas automatiquement à l’abri. La Troïka nuit gravement à votre santé En Espagne, les hôpitaux ont dû répercuter la réduction de sept milliards d’euros par an de l’enveloppe Santé, décidée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy dans le cadre d’un plan drastique d’austérité lancé en 2012. Si le projet régional de privatisation a finalement été avorté à Madrid, les économies, elles, ont bien été maintenues : le montant des dépenses du système de santé publique est passé en Espagne de 70 milliards d’euros en 2009 à quelque 53 milliards en 2014. Le secteur, qui comptait quelque 505 000 employés en 2012, en a perdu 28 500 depuis. L’hôpital Carlos III, où se trouve l’aide-soignante victime d’Ebola, Teresa Romero, a ainsi réduit de 12% son personnel en 2013 (49 postes en moins sur 401) et son service spécialisé dans le traitement de maladies hautement infectieuses était en cours de fermeture pendant l’été… Répétons ici ce que Solidarité & Progrès a déjà dénoncé pour la Grèce, l’Espagne et le Portugal : l’euro ainsi que les programmes destructeurs de la Troïka pour le maintenir en vie, nuisent gravement à la santé. Une France assez absente La politique française dans ce domaine ne manque pas de paradoxes. Bien que, suite au cri d’alarme de Médecins sans frontières (MSF), François Hollande ait annoncé le 18 septembre l’envoi d’un hôpital militaire, aucune mobilisation financière globale ne vient épauler cette initiative. Alors que l’OMS et l’ONU chiffrent les besoins financiers pour lutter contre Ebola à 788 millions d’euros, seuls 272 millions ont été à ce jour mobilisés au niveau mondial pour soutenir les acteurs impliqués sur le terrain. Sans parler des 25 milliards d’euros de pertes résultant du chaos économique provoqué, d’après l’évaluation de la Banque mondiale, par l’épidémie (Commerces, mines et frontières fermés, annulation d’activités culturelles, annulation probable de la Coupe d’Afrique des nations au Maroc, etc.) Au même moment, en France, le projet de loi de finances pour 2015 présenté le 1er octobre à l’Assemblée nationale prévoit une baisse de 3 % des crédits de l’Aide publique au développement (APD), qui fait suite à une baisse de 6 % l’année précédente. Comme le dénonce Christian Reboul d’Oxfam,
Et cela dans une situation où, au contraire, la priorité devrait être de renforcer les systèmes de santé de ces États fragiles, en reconstruction après des années de guerre et de dictature. [1] Transmissible de l’animal à l’homme et vice versa [2] Au Liberia, on a constaté que la déforestation massive du pays a incité les chauves-souris à se réfugier dans les villes. NDE. |