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Kosovo, Taïwan : attention au festival des canons d’août !

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La crise qui vient de se déclencher subitement au Kosovo, où le conflit entre Serbes et Kosovars est gelé depuis près de quinze ans, montre que la situation stratégique mondiale est d’une extrême instabilité, et ne peut certainement pas être résumée à une guerre entre Russes et Ukrainiens. Plus grave, au lendemain de ces tensions, la présidente de la Chambre des représentants au Congrès américain, Nancy Pelosi, a débarqué à Taipei, la capitale de Taïwan, en une ultime provocation aux yeux de la Chine. Les « canons d’août » ont débuté.

Kosovo : l’OTAN joue dans la poudrière

S&P—Le week-end dernier, des tensions ont éclaté dans le Nord du Kosovo, où la population serbe s’est soulevée contre la nouvelle politique frontalière du gouvernement kosovar, obligeant toute personne entrant au Kosovo avec une carte d’identité serbe de la remplacer par un document temporaire pendant son séjour dans le pays, mesure censée entrer en vigueur lundi. Des combats avec la police ont conduit à la fermeture de deux points de passage frontaliers avec la Serbie.

La Force de l’OTAN au Kosovo (KFOR), qui y maintient une présence, a publié un communiqué de presse déclarant que « la KFOR est prête à intervenir si la stabilité est menacée dans le nord du Kosovo », et que, conformément à son mandat en vertu de la résolution 1244 du CSNU de 1999, « elle prendra toutes les mesures nécessaires pour maintenir à tout moment un environnement sûr et sécurisé au Kosovo ».

Rappelons que le Kosovo a obtenu son indépendance suite à la première guerre illégale menée par l’OTAN, en 1998-1999, à l’époque où le Premier ministre Tony Blair appelait ouvertement à abandonner les principes de la paix de Westphalie et à les remplacer par la « responsabilité de protéger » — doctrine qui a été suivie ces vingt dernières années en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie, avec les résultats brillants que l’on sait.

Taïwan : une provocation délibérée

Et tandis que les tensions sont retombées au Kosovo suite à la décision des autorités de Pristina de reporter l’application de la mesure, une nouvelle mèche a été allumée à quelques 9000 kilomètres au sud-est, avec la visite « surprise » mardi à Taïwan de Nancy Pelosi, l’indéboulonnable présidente de la Chambre des représentants au Congrès américain.

Ce faisant, Pelosi a franchie ce qui constitue aux yeux de la Chine une véritable « ligne rouge ». Beijing a pourtant prévenu avant le départ de la « Speaker » du Congrès pour sa tournée en Asie. Le 29 juillet, Hu Xijin, rédacteur en chef émérite du quasi-officiel Global Times, écrivait sur Twitter : « Si Pelosi se rend vraiment à Taïwan comme prévu, (…) le continent mènera certainement des actions punitives sévères à Taiwan. Les conséquences insupportables retomberont sur les autorités de Tsai [la présidente de Taïwan] ».

Quelques heures après l’atterrissage de l’avion de Pelosi à Taipei, l’Armée chinoise (APL) a annoncé, via l’agence de presse Xinhua, qu’elle mènerait des exercices aériens et navals, y compris des exercices à tirs réels, dans six zones autour de Taïwan. « Pour des raisons de sécurité, l’entrée de navires et d’aéronefs dans l’espace maritime et aérien susmentionné est interdite », rapporte Xinhua. Les exercices doivent se dérouler du 4 août au 7 août.

Avant l’arrivée de Pelosi déjà, les dispositifs militaires américains et chinois dans la région étaient en mouvement, avec notamment quatre navires de guerre américains opérant dans les eaux à l’est de Taïwan, dont le porte-avions USS Ronald Reagan et ses deux escortes et le navire d’assaut USS Tripoli. Du côté chinois, l’APL conduisait des exercices dans la province du Fujian à la fois sur terre et dans les airs au-dessus du détroit de Taïwan. Et le Global Times a rapporté mardi matin que la Marine chinoise a déployé ses deux porte-avions actifs, le Liaoning et le Shandong, à partir de leurs ports d’attache.

Spectre d’une guerre nucléaire

A la veille du voyage de Pelosi, les Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS), un groupe de vétérans du renseignement américain, ont publié sur le site Antiwar.com un mémorandum rédigé à l’intention du président Joe Biden, le mettant en garde contre le fait que cette visite risquait potentiellement de déclencher une escalade militaire incontrôlable.

"La Présidente[Pelosi] semble mener une diplomatie unilatérale, évitant la présidence, soulignent-ils. L’armée américaine n’est pas en mesure de s’engager dans une confrontation militaire à grande échelle avec la Chine au sujet de Taiwan. Les conséquences de toute erreur de calcul (…) seraient désastreuses, en termes de possibilité réelle d’une défaite militaire américaine."

À la lumière de l’annonce chinoise d’exercices militaires à tirs réels menés depuis le Fujian, en face du détroit de Taiwan depuis l’île, les VIPS préviennent que si un affrontement militaire devait entraîner la perte de navires américains, il est probable que Biden se voit alors proposer des options militaires qui incluent une frappe de représailles nucléaires sur la Chine. « Alors que votre administration s’est jointe à la Chine, à la Russie et aux autres grandes puissances nucléaires pour déclarer qu’une guerre nucléaire ne peut jamais être gagnée et ne devrait donc jamais être menée, la posture nucléaire américaine actuelle offre en fait au président une gamme d’options en matière d’emploi d’armes nucléaires, écrivent-ils. Ces options ne sont pas un secret ; elles comprennent des scénarios autorisant l’utilisation préventive d’armes nucléaires pour contraindre un adversaire potentiel à cesser et à s’abstenir de prendre des mesures considérées comme représentant une menace existentielle pour les États-Unis ».

Les VIPS concluent en rappelant que le 2 octobre 1950, le Premier ministre chinois Zhou Enlai avait averti que la Chine interviendrait en Corée si les troupes américaines se rendaient au nord du 38e parallèle.

" Nous savons tous ce qui s’est passé lorsque cet avertissement est resté lettre morte. Nous savons également que les principaux conseillers militaires américains à l’époque avaient des frappes nucléaires contre la Chine en tête de leur liste d’options. La Chine le sait aussi."

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